samedi 3 décembre 2011
Un foyer
Lorsqu'on se présente pour un job, c'est tout un jeu qui se met en place, une pièce de théâtre, entre le recruteur et le postulant, ce dernier assumant son rôle en démontrant qu'il est le meilleur, celui qui correspond de manière parfaitement adéquate au poste à repourvoir. J'en ai passé des entretiens dans mes vingt premières années de vie professionnelle, oooh oui. J'ai même plutôt bien plu et j'ai su convaincre, vu qu'une bonne dizaine d'employeurs ont répondu positivement à mes offres de services (non, non, je ne recherchais pas du boulot, j'offrais mes services, dixit Porot).
Bon, mais il y avait toujours cette question à laquelle je ne savais pas trop comment m'en sortir. Bien entendu, j'étais capable de tourner autour en donnant l'impression d'y répondre, ça fait partie du jeu. Cette fameuse question: qu'avez-vous réalisé dans votre vie professionnelle, dont vous êtes fière? euh, beh, ben, pfff, ouiiii, or, donc. Je ne pouvais pas dire: la traversée du Mont-Rose. C'est une réalisation personnelle. Parler de la Croix-Rouge. Difficilement transposable dans le monde du social helvétique. Et puis, c'est très difficile pour moi de relater mes "exploits". J'ai toujours cette tendance à préférer la discrétion, et mon sens de l'auto-critique est tellement élevé, que toute réalisation est ponctuée de "oui mais", comme s'il faut s'excuser de l'avoir fait. En plus, dans réalisation, il y a la notion d'action, de FAIRE. Et moi, j'ai toujours bossé avec les mots. Parler, discuter, échanger, écrire. Mais l'impact de ces mots, l'impact réel?
Or, là, maintenant, je peux dire qu'il y a une réalisation, qui s'inscrit très très très très (etc...) clairement dans le faire, et dont je peux être fière: j'ai restauré pendant un an, ma maison. Et là, bien entendu, je quitte le "je" pour rejoindre le "nous"! Nicolas et moi avons restauré notre maison, 200 jours exactement, soit tous les week end et tout l'été. Fin octobre, un an après notre arrivée dans le Cantal, nous y avons emménagé. Et bien ça, en vérité je peux l'affirmer, c'est une réalisation in-cro-ya-ble. 4 murs et 1 toit, que nous avions acquis. Des murs de pierres de schiste épais de 80 cm. Un toit plein de trous avec des jolies fuites qui mouillent le plancher du grenier. Des lauzes (schiste taillé en forme d'écailles de poissons) recouvertes de mousse, aujourd'hui propres et entretenues. Un grenier à grain qui, aujourd'hui, s'est transformé en chambre-salle de bain-dressing.
Une maison toute sombre, qui, aujourd'hui, accueille les rayons du soleil à travers quatre grandes fenêtres plein sud. Au rez, une pièce à vivre qui répond à notre goût du mariage de l'ancien et du moderne. Une cuisine, qui donne envie de cuisiner!! Un escalier en châtaignier massif, déplacé par Nicolas en usant de méthodes de montagnards, le mouflage, que j'ai décapé, poncé, huilé, et qui aujourd'hui nous ravit par son style et la beauté du bois ancien.
Oh, il y en aura eu des moments de détresse, face à l'ampleur du travail auquel nous nous étions attelés...
Quand on travaille dans le froid et l'humidité. Quand on se trouve devant une montagne de gravas à sortir à coups de brouettes, par centaines. Il y aura eu des moments de doute quand on avait encore un grand trou dans le toit à la place de la cheminée, et que la météo affichait "pluies diluviennes".
Ou lorsqu'on a dû démonter les poutres entre le rez et le 1er et les remplacer, car elles étaient pourries.
Ou lorsqu'on avait prévu qu'un travail prendrait 3 jours, et que deux semaines plus tard, ce n'était pas fini: certains travaux usent notre patience, comme composer les canalisations de sortie des eaux usées, ou tirer les kilomètres de gaines électriques avec les bons fils à l'intérieur. Travaux si peu gratifiants, et pourtant si utiles...
D'autres travaux nous ont comblés par contre, hyper gratifiants, avec des résultats visibles et rapides: droit ce que j'aime!! Et plus on avançait, plus il y en avait. Ce sentiment, je l'ai vécu la première fois lorsque, à Nouvel an passé, nous avons composé les espaces du 1er étage, partant d'une salle de bal vide, et en y mettant des tours de portes, on se retrouve avec trois chambres et deux salles d'eau à venir!! Plus tard, la pose du parquet en chêne massif du Cantal, puis son ponçage et cirage à l'huile naturelle, fait partie de ces moments de plaisir. Et le bonheur intense que j'ai pu ressentir lorsque pour la première fois, j'appuie sur un interrupteur, et .... la bonne lumière s'allume! Quand on sait tout le travail qu'il y a eu pour que cet acte, pourtant si quotidien et si banal, soit possible...
Et il y a eu aussi les bons moments de partage avec nos amis qui nous ont aidés dans notre oeuvre. Ils nous ont dit: "on vient", un petit coup de pouce qui réchauffe le coeur, un immense soutien moral surtout, et tout d'un coup, une tâche se fait plus vite, et ça nous a fait tellement du bien! Merci, mille merci à vous, Aurélie, Anne-Laure, Joséphine, et mille mercis Pierre, Quentin, Olivier, Laurent, Benoît, Loïc, Serge, Yannick! Et bien figurez-vous que s'ils n'étaient pas venus nous aider, nous ne serions pas encore sous notre toit... Et j'ajouterais que mon moral ne serait pas très glorieux!
Je ne sais pas si un jour je me retrouverai à jouer un rôle dans la pièce de théâtre du bureau de recrutement. Mais je sais que je peux répondre à la fameuse question sans faire la moindre contorsion mentale!
Mais pour illustrer les mots, encore quelques images qui parleront certainement mieux!
Et c'est assise en tailleur sur mon beau parquet que je vous salue, sourire aux lèvres.
Véronique
Et voici à quoi cela ressemblait au départ...
Une salle de bain plein air...
L'escalier avant/après, on y aperçoit les cordes d'escalade recyclées...
La pièce à vivre qui prend forme: le plafond en placo n'est pas encore peint, mais les joints sont faits. Le mur sera crépis à la chaux en y laissant les pierres apparentes, la chaux laissant respirer le mur et passer l'humidité.
Laurent nous a bien coaché dans cette entreprise.
A l'étage, à la place du grenier: notre chambre!
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